Sarah El Haïry : "Notre jeunesse a été à la hauteur. Et notre job, c'est qu'elle ne perde pas espoir en demain" 

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Sarah El Haïry, Secrétaire d'État à la Jeunesse et à l'Engagement, a accordé ce matin une interview à RMC. À cette occasion, elle revient sur les difficultés de la jeunesse à faire face à la crise de la Covid-19 mais aussi sur les solutions apportées par l'État pour tenter d'y répondre. 

APOLLINE DMALHERBE

 Il est 07h41 sur RMC et RMC Découverte. Bonjour Sarah EL HAÏRY. Merci d'être avec nous ce matin sur RMC, vous êtes la secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'Engagement. Depuis le début de cette crise du coronavirus, on entend votre « quoi qu'il en coûte », quoi qu'il en coûte pour les entreprises, quoi qu'il en coûte pour les salariés, eh bien forcément pour la jeunesse il en coûte beaucoup. Ils ne se remettent pas du virus, ils n'ont pas de problèmes avec le virus, ils n'en meurent pas, l'âge médian de la mortalité du coronavirus c’est 82 ans en France, mais ils meurent de cette crise sociale, économique, et de la solitude. Quelles sont les solutions que vous allez leur apporter ?

SARAEHAÏRY

 Madame de MALHERBE, ça va faire 11 mois maintenant, 11 mois que les jeunesses de notre pays vivent cette crise et ses conséquences avec la lassitude, avec l'isolement que ça provoque, avec ce sentiment, vous savez, d'un jour sans fin, vous savez, le jour qui ne se termine pas et qui recommence. Eh bien face à ça, les réponses, elles sont multiples. Et quand je dis « elles sont multiples », le quoi qu'il en coûte il est valable pour eux aussi. Concrètement ça veut dire quoi ? Economiquement, pour ceux qui ont besoin de trouver du travail, c'est des aides à l'embauche, et très concrètement c'est aujourd'hui 4 000 € quand on embauche un jeune de moins de 26 ans. C’est 8 000 € pour un apprenti. Mais il n'y a pas que ça, parce que les réponses, elles ne sont pas qu'économiques. Vous savez, c'est cet espoir que demain notre pays ne sera pas à genoux, que notre économie, elle tiendra. L'espoir, il tient aussi là. Par contre, les situations, elles sont très diverses, madame de MALHERBE, elles sont très diverses. Il y a des jeunes qui sont dans une précarité sociale, une précarité très forte. Tout à l'heure où l'entendait, oui il y a des jeunes qui font la queue devant des associations alimentaires…

APOLLINE DMALHERBE

Vous les avez vues ces images…

SARAEHAÏRY

Bien sûr que je les ai vues.

APOLLINE DMALHERBE

Ces images qui quand même ont choqué tout le monde, quand on voit depuis quelques jours sur les réseaux sociaux ou dans les reportages ces images de files d'attente interminables, d'étudiants qui vont demander tout simplement de quoi manger.

SARAEHAÏRY

Madame de MALHERBE, ça fait mal aux tripes de voir ça. On est en France, on est dans un pays…

APOLLINE DMALHERBE

Non mais le constat. Le constat, je suis très contente que vous le fassiez, mais ça le constat on le fait. Nous, ce que l’on veut de vous, ce n’est pas le constat, c'est des réponses.

SARAEHAÏRY

C’est de l’action et c'est des réponses. Et les réponses, elles sont simples, c'est pour ça que le président de la République lui-même a annoncé que chaque  étudiant dans notre pays a le droit d'avoir deux repas par jour au minimum, à 1 €. C'est pour ça que les CROUS, ils se mobilisent. Mais il n’y a pas que ça, il y a aussi, et moi je le salue, le travail de nos associations sur notre territoire, le travail qui accompagne, parce que ces assos, elles étaient là avant et elles continuent à se mobiliser. Et pour ces étudiants, qui ont faim, pour certains d'entre eux, eh bien au- delà du repas à 1 € deux fois par jour, avec les CROUS, c'est aussi madame de MALHERBE, des réponses d'urgence. C'est le Fonds de solidarité qu’il y a aujourd'hui dans tous les CROUS, et qui se débloque en moins de 3 jours. Mais le drame c'est qu'aujourd'hui nos étudiants, il y en a un sur deux qui ne sait pas ce qu'on peut faire pour lui. Et ça, c'est un vrai drame.

APOLLINE DMALHERBE

Alors, on l’entend là avec vous ce matin, ils entendent les dispositifs. Mais Sarah EL HAÏRY, quand vous dites par exemple qu'il y a, il va y avoir 8 000 € pour l'embauche d'un apprenti ou pour des embauches de jeunes, sauf qu'il n’y a pas d'embauches. Ça, ça ne se débloque que s'il y a une embauche. Les apprentis, regardez les apprentis dans les restaurants, les restaurants sont fermés, c'est une année blanche pour eux. C'est une année fichue. On n’apprend pas par exemple les gestes de la cuisine par Zoom.

SARAEHAÏRY

Eh bien je suis, franchement, madame de MALHERBE, il y a c'est vrai effectivement autant de jeunesses et autant d'apprentissages, et c'est violent quand tu as envie, quand tu apprends la restauration, l'hôtellerie ou quand tu es dans l'événementiel, ou même dans le monde de la culture, sauf que certains se réinventent, et c'est notre responsabilité aujourd'hui, c'est notre enjeu de les accompagner.

APOLLINE DMALHERBE

Mais ils n’ont même pas commencé qu’on leur demande déjà de se réinventer !

SARAEHAÏRY

 Mais non, mais je vais vous donner un exemple très concret. Madame de MALHERBE, demain je serai à Angers, et à Angers il y a un CFA où ils apprennent la cuisine, où ils apprennent le métier de l'hôtellerie, eh bien ils cuisinent pour les Restos du cœur. D’une certaine manière ils se sont adaptés, mais pour être dans l'action. Je vais vous dire, l'élément le plus important pour moi, ce n'est pas simplement de dire « oui on est bousculé ». Oui on est bousculé, mais c'est comment on s'en sort, comment on ne baisse pas les bras, parce que notre jeunesse, elle est à la hauteur. Et notre job, eh bien c'est qu'elle ne perde pas espoir en demain.

APOLLINE DMALHERBE

 Est-ce que vous accepterez le prêt à taux zéro de 10 000 € pour chaque jeune de 18 à 25 ans ?

SARAEHAÏRY

Aujourd'hui, les réponses elles sont économiques, sociales…

APOLLINE DMALHERBE

Non, mais oui, non ?

SARAEHAÏRY

 Oui, mais c'est une proposition aujourd'hui de mon ancien collègue, mais de Stanislas GUERINI entre autres, c'est une solution parmi d'autres. Elle ne vient pas répondre à l'urgence aujourd'hui, à l’urgence…

APOLLINE DMALHERBE

Donc non.

SARAEHAÏRY

J'ai dit que oui, c'était une idée qui était utile, parce qu’elle permet…

APOLLINE DMALHERBE

 Non, mais je ne vous demande pas si c'est une idée, est-ce qu'elle va se réaliser ?

SARAEHAÏRY

 Vous savez, madame de MALHERBE, moi je n’ai pas un arbitrage immédiat aujourd'hui. Moi ce que je vois, c'est des solutions qui sont déjà mises sur la table…

APOLLINE DMALHERBE

 Mais parce que les banques, elles prêtent, et encore très difficilement aux entreprises, mais les jeunes aussi ils ont besoin de perspectives.

SARAEHAÏRY

 Aujourd'hui les jeunes ils ont besoin de perspectives dans l'emploi, effectivement c'est les recrutements, ce que je disais. Et tout à l’heure vous disiez : il faut des embauches pour que ça fonctionne. Pour la question de l'apprentissage, on bat des records, c'est 440 000 alternants, on n'a jamais fait autant en alternance, mais parce que l'Etat est protecteur, parce que l'Etat est moteur. Mais madame de MALHERBE, ces jeunes qui sont en précarité, ces jeunes qui sont en détresse, qui ne sont pas exactement les mêmes, parce que quand on est étudiant en alternance, on ne vit pas la même chose que quand on est alternant ou quand on est à la fac. Ce n'est pas la même chose si on est déjà au boulot. Ces jeunes qui sont dans la précarité, ce que je veux leur dire juste aujourd'hui, une chose, c'est qu’il y a un endroit où ils peuvent trouver des informations, c'est le site "Un jeune, une solution". Mais s'ils ont besoin d'aide, ils poussent la porte du CROUS, ils poussent la porte de la Mission locale, il y aura toujours quelqu'un pour répondre à leur situation très particulière. On ne vit pas les mêmes situations, on n'est pas percuté de la même manière.

APOLLINE DMALHERBE

Mehdi est avec nous en ligne, bonjour Medhi.

MEDHI, AUDITEUR RMC

Bonjour.

APOLLINE DMALHERBE

 Bonjour, soyez le bienvenu ce matin. Vous avez 24 ans, vous êtes étudiant en master de sociologie à l'université de Montpellier. Avant, avant vous étiez serveur pour compléter vos études, et aujourd'hui évidemment, serveurs ça n'existe plus. Comment vous faites, d'abord racontez-nous votre situation aujourd'hui. Vous vivez de quoi et avec combien ?

MEDHI

 Je vis de peu, je vis avec mes bourses et mes APL, donc j’ai un revenu de 680 € par mois à peu près. Aujourd'hui, je vois que Madame la Secrétaire d’Etat a 32 ans, donc elle était dans ma situation il n'y a pas si longtemps. Il me semble que le seuil de pauvreté, pour comparaison, en Europe est fixé à 60 % du revenu médian, et on peut aujourd'hui prendre 40 %, l'INSEE a dit que le revenu médian était de 1 789 €, 40 % de 1 789 €, c’est 715 €. Voilà. La…

APOLLINE DE. MALHERBE

Donc vous êtes en dessous.

MEDHI

 … factuel, c’est qu’aujourd’hui la majorité des jeunes sont, vivent sous le seuil de pauvreté. Donc le gouvernement a certes mis en place le repas à 1 €, pour tous les étudiants, mais il me semble que ce n'est pas assez, en tout cas pour ma condition, en tant qu'étudiant, il faudrait penser peut-être à mettre plus de moyens dans nos structures, parce que la précarité étudiante, elle est latente depuis plus

d'une décennie. Aujourd'hui, la précarité a pris une autre forme avec cette crise et nous vivons dans l'isolement. Et cet isolement, je pense qu’il faut le rompre, il faut l'arrêter, et en fait seulement en donnant des moyens aux structures pour qu’elles puissent organiser un retour des étudiants, avec le personnel nécessaire, et assurer des petits groupes pour respecter les distances de sécurité, c'est ça aujourd'hui qu’il faut mettre en…

APOLLINE DMALHERBE

 En fait, ce dont vous avez besoin Medhi, c'est de vous dire : eh bien voilà, pourquoi est-ce que finalement dans les entreprises il y a encore quand même des gens qui viennent, qui se retrouvent à leur table de travail et pourquoi les étudiants ne pourraient pas retourner à la fac ?

MEDHI

Exactement…

SARAEHAÏRY

Medhi, moi ce que j’ai envie de, ce que j’ai envie de répondre à Medhi…

MEDHI

 Excusez-moi, Madame la Secrétaire d’Etat, c’est juste, en fait, vous avez dit que la jeunesse elle est à la hauteur, je suis tout à fait d'accord avec vous, la jeunesse est à la hauteur, pour l'instant c'est le gouvernement qui ne l'est pas.

APOLLINE DMALHERBE

Sarah EL HAÏRY.

SARAEHAÏRY

 Medhi, moi je vais vous répondre sur un point. Vous avez dit : vous avez besoin de rompre l’isolement, vous avez dit que vous aviez perdu votre petit job de serveur. Aujourd'hui la réponse qui est apportée c'est évidemment le retour sur les bancs de la fac. On a tous envie de retrouver notre vie normale d'avant ; et quand les 1ère années et les plus fragiles recommencent, sont rentrés, sont revenus à la fac dès le 25 janvier, le président de la République l'a dit…

APOLLINE DMALHERBE

Oui mais c’était faible, c’était vraiment une poignée.

SARAEHAÏRY

 Mais, madame de MALHERBE, chaque jeune pourra, chaque étudiant pourra retourner à la fac au moins un jour par semaine, comme pour les télétravailleurs, c'est ça la nouvelle règle. Et Medhi, pour rompre l’isolement, parce que vous l'avez dit, c'est comment je retrouve du lien social, comment je suis à nouveau utile, et comment je complète la fin du mois, parce que vous avez parlé de ce que vous avez à la fin du mois. Vous avez dit, vous êtes à autour de 600 €. Aujourd'hui on a 1,5 million d'étudiants qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Pour rompre l'isolement et en même temps répondre à cette absence de petits boulots qui vous permettaient d'arrondir vos fins de mois, vous savez, tout s'adapte, notre pays s'adapte. Quand vous dites, le gouvernement, il met en œuvre des choses, et moi j'ai changé les règles du Service civique, je vais vous dire pourquoi Medhi…

APOLLINE DMALHERBE

 Mais pourquoi on n’augmente pas… Juste, tout simplement, non mais le Service civique ce n’est pas ça qui va leur donner à manger.

SARAEHAÏRY

 Non, madame, juste un point s’il vous plait, parce que c'est important, et c'est une réponse pour Medhi. Le Service civique il va permettre de s'adapter toutes les semaines. Il n’y a plus de règles de volume horaire minimum par semaine. Il va permettre à Mehdi d'être, de se sentir utile, de sortir de son isolement, d'être dans une association, dans une collectivité, et il va lui permettre, parce qu'il est boursier, d'avoir à la fin du mois une indemnité de 680 €, à la fin du mois. Et c'est un engagement qui peut durer de 8 à 12 mois. C'est une réponse pour Mehdi, parce qu'elle rompt son isolement, elle lui permet d'être utile. Mehdi, est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?

APOLLINE DMALHERBE

 Medhi, est-ce que ça, aller au Service national universel ça vous intéresse, Service civique ?

MEDHI

 Vous savez, moi je n’ai pas attendu, la majorité des étudiants aujourd'hui, c'est ce que je remarque mon entourage, c'est que les étudiants sont dans une précarité, mais c'est des premiers à s'engager auprès d'associations, comme vous le revendiquez, et on s'engage majoritairement bénévolement, parce que le Service civique il y a un certain nombre de places, mais il faudrait le tripler, le quadrupler.

SARAEHAÏRY

 C’est fait Medhi, on l’a doublé ! Medhi, je vous assure aujourd'hui il y a 245 000 missions. Aujourd'hui il y a des règles qui ont changé et c'est pour vous, et c'est ça mon sujet aujourd'hui, c'est ce que je disais tout à l'heure.

APOLLINE DMALHERBE

En gros, vous avez besoin d’aide, allez aider. C’est quand même un peu ça.

SARAEHAÏRY

 Non, on vous aide en… Non, madame de MALHERBE, ce n’est pas, aller aider pour rompre votre isolement, oui, on est le pays de la fraternité, on est le pays de la solidarité. Rompre isolement c'est retrouver une place dans la société, c'est se sentir utile, c'est de ne pas rester toutes la journée devant son ordinateur, parce qu'on subit effectivement les cours à distance. Aujourd'hui on a une crise, une pandémie mondiale, mais comment on ne les laisse pas dans cette situation tout seuls ? Eh bien moi je leur dis : vous avez cette opportunité là, c’est une des solutions, c'est une des pistes. Tu sors, tu es utile, tu apportes quelque chose, tu te sens plus utile et en plus, à la fin du mois…

APOLLINE DMALHERBE

Vous êtes un peu quand même dans le « aide-toi, le ciel t’aidera ».

SARAEHAÏRY

 Non, madame de MALHERBE, il faut remettre les choses, moi je crois, en perspective. Quand Medhi me dit « je suis tout seul », moi je dis « il y a des gens avec qui tu peux être, avec qui tu peux partager un temps », un temps humain, et en plus je viens répondre à la situation de précarité que tu vis, et ça c'est une réponse, c'est une des réponses. Ce n’est pas l'Alpha ou l’Oméga, tout n'est pas basé sur ça, mais c'est une des solutions.

APOLLINE DMALHERBE

 Merci Sarah EL HAÏRY d'avoir répondu à mes questions et à celles de Medhi. Je rappelle que vous êtes la secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'Engagement.

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