Université de rentrée 2019 - Intervention de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
Nous vous invitons à découvrir l'intervention de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, lors de notre Université de rentrée 2019.
François BAYROU. - Nous te saluons, unanimement.
Les participants à l'université sont très nombreux, particulièrement dans cette salle, mais il y a également dix ou quinze autres salles dans ce centre, que tu connais.
Pour commencer, veux-tu bien nous faire le bilan de tes un peu plus de deux années de présence au Ministère de l'Éducation nationale ? Que retiens-tu des décisions que tu as prises ? Que retiens-tu du climat au sein de l'Éducation nationale et de son évolution ?
Jean-Michel BLANQUER. - Merci beaucoup, François et merci à vous tous.
Je suis très heureux de m'exprimer devant vous, même si j'aurais aimé, comme les deux années précédentes, être là physiquement.
Le but reste le même et l'on n'a pas changé depuis 2 ans : bâtir ce que nous appelons l'école de la confiance. Cette notion d'école de la confiance emporte deux objectifs qui, à mes yeux, progressent en ce moment, même si cela prend du temps, qui sont, d'une part, l'élévation du niveau général et, d'autre part, la justice sociale. Les deux vont ensemble.
La mesure la plus immédiate et la plus concrète a bien sûr été la division des classes de CP et de CE1 en réseau d'éducation prioritaire par deux. En septembre 2017, cela touchait déjà 60 000 enfants. Au moment où je vous parle, cela en touche 300 000.
Cela veut dire 150 000 CP et 150 000 CE1 et que nous touchons 20 % d'une génération. Or, faisant cela, nous faisons évoluer les deux objectifs de justice sociale et l'élévation du niveau général.
Les premiers résultats de cette politique se voient. Nous avons, cette année, des professeurs de CE2 en REP + qui voient des enfants différents de ceux qu'ils voyaient auparavant.
Le premier enjeu, la consolidation de l'école primaire et des savoirs fondamentaux pour tous, est passé par de multiples mesures, y compris de nature pédagogique : l'évolution de la formation des professeurs, les contenus de la formation continue, toute une série de sujets qui, parfois, se voient, parfois, se voient moins, mais qui ont comme objectif commun une école primaire qui forme tous les enfants et qui ne laisse pas de côté 20 % d'une génération pour les savoirs fondamentaux en particulier, mais aussi la confiance d'une école où on vient avec plaisir, où on se sent bien, où on est ancré dans la nature, dans la culture, dans la logique, toutes ces notions que nous voulons faire passer.
C'est évidemment dans la durée et à l'échelle du quinquennat en particulier que les choses se verront davantage.
Il y a tout ce qui se passe ensuite dans l'enseignement secondaire. De ce point de vue, les réformes du lycée professionnel et du baccalauréat général et technologique sont des réformes majeures qui traduisent notre état d'esprit, c'est-à-dire un état d'esprit qui veut faire que les élèves, en préparant le bac, se préparent à ce qui va les faire réussir dans la vie, à ce qui se passe après le baccalauréat.
La réforme a pour sens de donner beaucoup plus de choix aux lycéens et, faisant cela, de plus approfondir les matières qu'ils choisissent. Les meilleurs avocats de cette réforme, ce n'est pas moi, ce sont les élèves de première de cette année, car ce sont eux qui ont pu faire des choix qui leur correspondent et ainsi mieux se préparer à la suite.
Ce type réforme, cela fait parfois 20 ans que l'on en parle. Les idées derrière ne sont pas des idées qu'un matin, on a décidé. Elles correspondent à une intelligence collective et à un travail politique qui a été accompli. Simplement, il fallait avancer d'un cran et nous l'avons fait.
C'est très concret, car c'est une réalité de cette rentrée.
Bien sûr, il ne manque pas de forces de résistance à ces changements. Tout le monde a pu le voir, mais nous avançons néanmoins et, je crois, de manière collective. Ce sont des choses qui concrétisent des points que j'avais pu aborder lors des deux précédentes universités d'été. Je pense aux progrès que l'on a fait avec Muriel Penicaud sur l'apprentissage, aux progrès que l'on est en train de faire sur l'enseignement professionnel, à l'impact de la mesure "devoirs faits" au collège, qui a aussi un impact sur le plan social.
Ce sont des choses très concrètes, avec, en cette rentrée, des innovations importantes. Il y a ce que je viens de dire sur le lycée, mais aussi les conséquences de la loi pour l'école de la confiance, en particulier l'instruction obligatoire à trois ans, ce qui permet d'insister sur les premières années de la vie et l'importance de l'école maternelle.
Là aussi, c'est quelque chose de très concret et de très social.
C'est évidemment difficile en quelques minutes de faire le résumé de tout, mais les changements sont clairement enclenchés et ils correspondent, je crois, à l'intérêt de chaque élève et l'intérêt de notre pays.
François BAYROU. - On va donner la parole à la salle pour tous ceux qui ont des questions à poser au Ministre de l'Éducation nationale.
Une Intervenante. - Je fais partie du Modem de la Creuse.
C'est une question posée par une lycéenne de première qui demande ceci : "Étant donné le niveau des mathématiques, qu'elle estime assez faible en France, était-il judicieux de supprimer cette matière du tronc commun ?"…
Jean-Michel BLANQUER. - C'est une question qui m'est souvent posée.
Les mathématiques sont la discipline la plus valorisée par cette réforme. Il y a un peu de mathématiques dans le tronc commun, dans la matière que l'on appelle "enseignement scientifique", qui correspond à deux heures dans le tronc commun et il y a l'enseignement de spécialité de mathématiques qui correspond à quatre heures en première et six heures en terminale.
70 % des élèves ont choisi cet enseignement et ce n'est donc pas délaissé. Les mathématiques restent la discipline la plus choisie et de loin, mais, au moins, elle est choisie, ce n'est pas une discipline subie.
Les programmes de première et terminale, qui viennent de changer, sont plus approfondis, car on considère que, puisque les élèves ont fait un choix, ils vont aller plus loin. En terminale, ils peuvent prendre mathématiques complémentaires ou mathématiques expertes et, avec mathématiques expertes, ajouter encore trois heures à leurs six heures, soit neuf heures.
Un élève de terminal S auparavant faisait huit heures.
Pour ceux qui en ont envie, j'insiste là-dessus, il y a la possibilité de faire neuf heures de mathématiques par rapport à huit auparavant. C'est ce que j'appelle l'élévation du niveau général.
Il y a des élèves également qui, dès la première, sont désireux d'être éloignés des mathématiques et d'avoir une "petite dose". C'est ce qu'ils ont dans les deux heures du tronc commun et cela leur permet souvent de voir les mathématiques sous un autre jour. C'est ce que l'on retient du rapport Villani/Torossiansur le rebond des mathématiques.
Il faut savoir que, de manière générale, nous sommes en ce moment même dans une stratégie de rebond des mathématiques à l'école, au collège et au lycée, ce que l'on appelle le plan Villani/Torossian, soit de la formation continue pour nos professeurs, très accentuée en ce moment même, car on a besoin de rehausser le niveau en mathématiques de manière générale.
Je pense que la stratégie adoptée permet cela, en insistant d'avantage sur le désir de mathématiques que sur le fait de l'imposer, en faisant évoluer les méthodes et en étant exigeant quant au niveau que l'on doit avoir.
Un Intervenant. - Je suis de l'Hérault.
J'ai suivi depuis 45 ans l'évolution de l'école, ayant déjà participé à la réforme Haby en tant que Secrétaire général de la PEEP à l'époque aux côtés d'Antoine Largarde, dont vous avez sûrement le souvenir.
J'apprécie particulièrement ce que vous mettez en place et en particulier ce que vous faites pour ces trois années fondamentales, comme vous l'avez expliqué, mais avez-vous les moyens de faire vraiment le bilan de chaque enfant personnellement et les moyens de reprendre ce qui n'a pas été acquis à ce moment-là, sans le laisser avancer comme on l'a laissé faire.
C'était criminel de laisser partir des enfants sans les bases, vous le savez bien.
Avez-vous les moyens ?
Jean-Michel BLANQUER. - Merci pour ce que vous avez dit, qui est très agréable pour la première partie et très juste pour la deuxième partie, j'espère d'ailleurs pour les deux parties.
Ce qui est important d'avoir à l'esprit, c'est que nous voulons faire, comme vous venez de le dire, un système réellement juste, autrement dit, un système qui ne soit pas faussement bienveillant, un système qui ne laisse pas passer les élèves sans l'acquisition de ce qu'ils doivent avoir acquis dans les premières années de la vie, car on sait très bien que les retards pris au début sont ensuite très difficiles à rattraper, notamment au collège et au lycée.
On ne veut plus avoir des élèves qui font beaucoup de fautes d'orthographe à un âge où l'on n'en fait normalement plus. On ne veut plus avoir des élèves qui ne savent plus faire leurs opérations à l'âge du collège, etc.
Pour cela, il faut avoir une priorité sur l'école primaire. C'est une priorité budgétaire et c'est ce qui fait que l'on crée des postes à l'école primaires, alors même qu'il y a moins d'élèves à l'école primaire. Nous améliorons le taux d'encadrement dans chaque département de France et c'était une politique indispensable, car la France avait sous-investi dans son école primaire, jusqu'à présent.
On en tire budgétairement les conséquences.
Ensuite, sur un plan plus qualitatif, et cela répond plus directement à votre question, nos évaluations de CP et de CE1 sont faites pour avoir, pour chacun des 800 000 élèves de CP et chacun des 800 000 élèves de CE1, une évaluation personnalisée.
C'est dans l'actualité, car c'est en ce moment même que cela se passe, la semaine venant de passer ayant été utilisée par la plupart des professeurs pour faire passer cette évaluation nationale, que nous faisons passer en septembre en CP pour tous les élèves CP et de CE1 et, en février, on en fera une autre pour les élèves de CP pour voir les progrès accomplis.
Cela donnera à chaque professeur une sorte de vision complète des forces et faiblesses des élèves et d'avoir, en début d'année, une bonne vision pédagogique.
Cette stratégie consiste vraiment à ne pas avoir de trous dans nos cohortes d'élèves, autrement dit des élèves dont on n'a pas suffisamment vu à temps les faiblesses, ni même pour chacun des élèves ne pas avoir de trous non plus, c'est-à-dire ne pas laisser passer un problème qui sera difficile à rattraper ensuite.
C'est une stratégie qualitative avec d'ailleurs des documents d'accompagnement, beaucoup de travail pédagogique. J'en parlais encore à une maîtresse d'école ce matin.
Chacun d'entre vous peut regarder sur le site www.eduscol.education.fr, ce que nous éditons comme outils pédagogiques, permettant de donner à chaque professeur le meilleur de ce que l'on sait sur l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul.
Il y a cette exigence que nous avons vis-à-vis de nous-mêmes, pour qu'encore une fois, soit donnée à chaque enfant, a fortiori dans les milieux sociaux les plus défavorisés, quand on ne peut pas avoir de compensation en famille, cette solidité de départ.
Je ne dis pas que nous y arrivons parfaitement aujourd'hui. Je dis que, depuis deux ans, nous y arrivons beaucoup plus, que nous avons les premiers signaux de cela et que nous nous donnons les moyens pour que ce soit quelque chose de vraiment complet, général et efficace tout au long des années qui viennent.
François BAYROU. - Nous allons prendre encore trois questions.
Fabien ROBERT. - Monsieur le Ministre, je suis premier adjoint au maire de Bordeaux.
Une question en lien avec l'éducation artistique et culturelle : vous avez affiché une grande ambition dans ce domaine avec votre homologue de la culture, en lançant notamment des plans "chorale". On a répondu dans un certain nombre de grandes villes, car on est convaincus que c'est une bonne chose.
Quel bilan tirez-vous et quelles actions supplémentaires comptez-vous mener ?
Jean-Michel BLANQUER. - L'éducation artistique et culturelle, c'est fondamental et, parfois, quand je parle comme je l'ai fait pour la précédente question, à savoir que cela fait partie des savoirs fondamentaux, on me dit : "Vous avez l'air d'oublier tout le reste".
En réalité, les choses s'appuient mutuellement. Si l'on veut que tous les enfants sachent lire, écrire et compter, il est d'autant plus souhaitable qu'ils aient un épanouissement par les arts et la culture dans le même temps.
Si l'on prend l'exemple de l'école maternelle, si on les fait chanter, s'ils disent des poèmes, s'ils jouent, on est évidemment au service de l'objectif des savoirs fondamentaux, notamment la question du vocabulaire par exemple qui passe par ces choses-là et notamment à l'école maternelle.
On ne doit pas opposer les dimensions, mais au contraire les mettre ensemble.
C'est la raison pour laquelle on insiste tant aussi sur l'éducation artistique et culturelle qui est un facteur d'épanouissement et d'égalité sociale, un facteur de progrès tout bonnement.
C'est vrai qu'une des forces de ce gouvernement je crois, c'est de savoir accentuer la collaboration entre les ministères comme par exemple ce que l'on a fait avec le ministère du Travail sur l'apprentissage et, là, avec le ministère de la Culture sur l'éducation artistique et culturelle, avec Françoise Nyssen d'abord et Franck Riester. On a identifié des chantiers prioritaires sur lesquels on met le paquet.
Le premier, c'est la musique. Vous l'avez dit en prenant l'exemple de la chorale. Nous avons voulu la systématisation de la proposition d'une chorale dans chaque école et chaque collège. C'est ce qui se passe maintenant.
Là aussi, cela passe par des plans de formation, par beaucoup de volontarisme, aussi par des partenariats. Tous les conservatoires de France sont appelés par le ministère de la Culture à participer à cela.
Il y a une dimension un peu technique ; par exemple les budgets que nous avons mis pour cela pour le collège, les heures consacrées à cela au collège, mais aussi une dimension d'état d'esprit. C'est pour cela que l'on a insisté sur la rentrée en musique.
J'interviens beaucoup là-dessus pour dire que, la musique, ce n'est pas anecdotique, ce n'est pas marginal, cela doit être présent dans notre quotidien, cela fait partie des choses constitutives de la vie et nos enfants doivent entendre cela tous les jours et doivent sentir que l'école est un lieu de bonheur aussi grâce à la musique et à l'art en général.
On a mis une priorité sur la musique. Nous insistons aussi beaucoup sur la lecture. Vous avez le quart d'heure lecture qui se généralise aujourd'hui dans les écoles et les collèges, c'est-à-dire que tout le monde s'arrête pendant un quart d'heure, y compris les adultes avec un silence complet pour lire.
Partout où c'est fait, cela a beaucoup d'impact. C'est le corollaire de l'interdiction du téléphone portable dans les collèges d'aide nous insistons sur le théâtre.
François BAYROU. - Il y a des applaudissements sur l'interdiction du téléphone portable !
Jean-Michel BLANQUER. - C'est une mesure vraiment simple, mais qui a un impact très important aujourd'hui sur les collèges. Les collèges qui n'avaient pas cela avant, certains l'interdisaient déjà mais pas tous, ceux qui sont passés de la non-interdiction à l'interdiction se félicitent considérablement de l'évolution. Quand en plus ils font le quart d'heure de lecture, cela change l'esprit de l'établissement.
Même chose pour le théâtre. Le théâtre, c'est aussi l'épanouissement, c'est le collectif, c'est l'entraînement à cet oral que nous voulons. Les élèves français jusqu'à présent ne sont pas assez bons en expression orale, ils n'ont pas assez confiance en eux-mêmes ; cela va de pair avec la question du chant. Je demande souvent à des assemblées, je pourrais demander à la vôtre : Êtes-vous prêts à chanter maintenant ?
François BAYROU. - C'est toi qui commences !
Jean-MichelBLANQUER. - Je peux chanter l'hymne national, j'en suis capable, mais je ne sais pas si c'est adapté à ce stade de la journée.
Le fait est que, dans d'autres pays, c'est assez naturel et spontané de chanter et on se sent à l'aise. C'est pareil pour l'oral, dans beaucoup de pays c'est normal de prendre la parole, d'argumenter et d'écouter les autres. Cette compétence-là, on doit la développer chez les enfants et le théâtre y contribue beaucoup.
Au travers de l'éducation artistique et culturelle, c'est cela que nous visons, mais il y a d'autres chantiers, je ne peux pas tous les énumérer, par exemple le renouveau des ciné-clubs : grâce à un partenariat avec France Télévisions tout établissement peut créer un ciné-club aujourd'hui avec des films libres de droit.
Ce dynamisme culturel grâce aux partenariats avec le ministère de la Culture, est en train de s'affirmer et on peut aller plus loin. J'en profite pour signaler que vous pouvez tous être acteurs de cela puisque c'est aussi le signe d'une école, d'un collège et d'un lycée, ils sont ouverts vers le monde extérieur avec le monde associatif en particulier, pour qu'il y ait des manifestations culturelles et une implication des élèves dans la culture.
On a besoin de proposer aux élèves de la culture et de l'engagement. Si l'on ne fait pas cela, ce sont d'autres formes d'engagement plus négatives qui viennent jusqu'à eux. Il est donc indispensable d'avoir une mobilisation de la société autour de son école, notamment à travers de la culture.
Un Intervenant. - Bonjour Monsieur le Ministre, nous sommes en Bretagne où il y a des centaines de milliers d'enfants qui ont appris ou apprennent la langue bretonne, tout comme en France d'ailleurs dans d'autres régions.
Il semblerait qu'il y ait quelques mois vous ayez dit que c'était surprenant de faire passer des examens en langue bretonne. Cela a été réparé depuis, mais est-ce que vous envisagez à l'avenir de supprimer les langues régionales ou est-ce que c'était vraiment un écart de langage ?
François BAYROU. - Est-ce qu'on peut en profiter pour rappeler que c'est une décision d'un précédent ministre de l'Éducation nationale qui a fait rentrer Diwan dans le cadre de la loi Debré, les skolaj et l'ensemble des écoles immersives en langue régionale.
Un Intervenant. - Juste une chose pour remercier M. Bayrou et je le dis toujours effectivement j'étais trésorier de Diwan à l'époque et si M. Bayrou n'avait pas été là, nous n'aurions pas eu des écoles.
François BAYROU. - Vous seriez là mais comme vous êtes défenseur des langues et cultures régionales, il ne faut pas dire Bérou, il faut dire Bayrou, comme Bayonne !
Une Intervenante. - Je suis vraiment sur le terrain, j'ai en stage les jeunes des lycées professionnels.
Je suis conseillère départementale du Modem en Seine-Maritime et je suis la fondatrice de l'association Loca'cité en QPV, quartier prioritaire.
Dans les lycées professionnels, la plupart sont des jeunes des quartiers et, avec Loca'cité, car moi-même je suis ingénieur social, je suis formatrice donc je maîtrise la pédagogie, j'accueille ces élèves qui n'ont pas de stage en milieu professionnel pour les accompagner, pour qu'ils puissent passer leurs 22 semaines de stage en entreprise. Et il n'y a pas de moyens parce que ces élèves, s'ils ne font pas de stage, ils ne vont pas passer leur bac et le Parcours Sup, justement, c'est subi car la plupart de ces élèves sont orientés en lycée pour le BTS SAM (support action managériale) alors qu'ils veulent faire du social.
Comment faire pour ouvrir plus de place de BTS pour le social ?
Il n'y a qu'une seule classe en Seine-Maritime pour le BTS économie sociale et familiale.
François BAYROU. - Une dernière question du député de la Mayenne.
Une Intervenante. - C'est une question qui me vient d'une militante parmi nous, mais qui n'ose pas la poser. Elle est professeur contractuel et m'interroge sur la formation qui pourrait être proposée aux contractuels.
Deuxième question, côté professeurs, aussi l'actualité a été marquée par le suicide d'une directrice. Comment mieux accompagner les professeurs dans leurs difficultés ?
Jean-Michel BLANQUER. - Sur la première, je ne manque jamais de rendre hommage à ce prédécesseur auquel tu as fait référence ! Si j'avais tant de différences avec ce prédécesseur, cela se saurait.
Par rapport à la question que vous avez posée, je vous invite à regarder le verbatim de ce que j'ai dit au Sénat sur cette question. Votre question est assez emblématique, car, à l'occasion du vote de la loi, non seulement il n'y a pas eu de régression sur la langue bretonne, mais au contraire un progrès assez considérable.
Ce qui est assez frappant dans le débat public, c'est à quel point on peut déformer ce que quelqu'un dit pour le transformer en son contraire. C'est un des exemples de ce que j'ai vécu au cours des derniers mois.
À l'occasion du vote de la loi, il y a beaucoup de phrases qui sont prononcées, j'ai été d'abord été amené à consacrer la possibilité d'étudier les langues régionales. Il n'y a eu aucune régression sur ce point. J'ai simplement, à un moment donné, émis une question purement pédagogique sur le fait de savoir si une classe immersive était pertinente sur le plan pédagogique, autrement dit si on ne faisait que breton dans les premières années de sa vie et pas français, était-ce bon ou mauvais pour l'apprentissage du français.
Je l'ai mis sous la forme d'une question. Dès le lendemain, il y a eu une campagne de presse pour essayer d'affirmer que j'étais contre la langue bretonne. Celui qui vous parle était inscrit en breton au baccalauréat. Vous voyez à quel point je suis soupçonnable d'avoir des sentiments anti-bretons. J'ai même des origines bretonnes et j'ai donc particulièrement mal vécu les interprétations données et elles ont apparemment pu avoir une crédibilité à vos oreilles.
Il y a eu un cran franchi en faveur de la langue bretonne grâce à la loi. Je n'ai donc aucune volonté de persécuter la langue bretonne. En revanche, il est évident que je suis attentif à ce que nous fassions ne se fasse jamais au détriment de ce que j'ai dit auparavant, à savoir que chacun sache bien lire et écrire en français.
Je suis, en général, assez d'accord avec la modernité pédagogique qui existe dans les écoles en langue régionale, mais aussi attentif à ce que cela se passe bien.
C'est sous forme de question que je l'avais formulé. Ce n'est pas car on défend les langues régionales que l'on a le droit de déformer ce que dit l'interlocuteur, ni que l'on a d'ailleurs tous les droits. Il faut des discours équilibrés sur ces questions.
François BAYROU. - Un mot parce qu'Erwan Balanant veut attester de ton engagement sur ces questions.
Erwan BALANANT. - Je suis Député du Finistère, ayant eu pendant longtemps ma fille dans le réseau Diwan et très attaché à ce réseau. Dès que l'on a été élu, on a eu un certain nombre de rendez-vous avec Monsieur le Ministre sur ce sujet.
Je peux attester que l'on a énormément avancé sur des choses qui sont de l'ordre de la survie du réseau et de sa capacité à se financer, puisque tout le travail a été fait avec M. le Ministre sur les aspects pédagogiques, sur les aspects de comment on peut faire pour que l'enseignement du breton s'améliore et on a fait, avec l'accord du Ministre, un travail sur le financement des écoles.
Nous avons franchement énormément avancé et j'ai été également un peu peiné au moment de cette polémique, car je savais la sincérité que nous avions sur ce sujet. M. le Ministre nous a reçus dès le début du quinquennat dans son bureau pour parler de ce sujet et dire voilà comment il faut que l'on avance enfin sur ce sujet.
Donc, merci Monsieur le Ministre.
François BAYROU. - Attestation gratuite, car je ne soupçonne pas que tu as financé sur les fonds secrets l'intervention d'Erwan Balanant !
Je pourrais soupçonner qu'il ait accepté, mais je ne vois pas les fonds secrets se mobiliser pour cela.
Jean-MichelBLANQUER. - Sur la deuxième question relative à la voie professionnelle, j'entends très bien ce que vous avez dit et vous avez raison, on doit ouvrir des perspectives à ceux qui ont le Bac pro.
C'est ce que nous faisons depuis deux ans. Vous le savez, j'ai indiqué que la réforme du Bac pro était, pour moi, la deuxième réforme la plus importante après celle que nous menons de l'école primaire. Autrement dit, je la mets même devant la réforme du baccalauréat général et technologie.
Parmi ces éléments, il y a le fait que nous avons beaucoup plus ouvert la possibilité d'être orienté en voie pro. Je considère que, s'il y a une égale dignité de la voie professionnelle par rapport aux autres voies, il n'y a aucune raison de limiter le nombre d'élèves qui vont en voie pro ;
Le corollaire de cela est que l'on doit aussi ouvrir des possibilités après le Bac pro, non seulement de travailler ou de suivre des stages, mais également d'aller vers l'enseignement supérieur. C'est pourquoi nous sommes allés dans la direction que vous prônez, c'est-à-dire plus de place de BTS pour les bacheliers pro.
À la rentrée 2018, il y avait déjà plus 20 % de place pour les bacheliers pro en BTS, c'est-à-dire sans le domaine de l'enseignement supérieur où ils réussissent.
Il ne faut pas faire de démagogie sur ce sujet : lorsque les bacheliers pro vont à l'université, cela se solde malheureusement par des échecs, alors qu'en BTS, a fortiori s'il leur correspond, ils réussissent et c'est évidemment très positif.
La politique menée a été celle-là, de même d'ailleurs qu'en IUT où il y a plus de places pour les bacheliers technologiques.
Par rapport cela que vous indiquez sur la région Normandie, je vais regarder ce qu'il en est.
Effectivement, un des autres éléments de cette politique est aussi d'ouvrir plus de places en voie professeur et plus de places en BTS dans des domaines correspondant à des métiers avec des débouchés et au désir des élèves. Nous sommes parfois amenés à fermer des formations qui ne débouchent sur rien et à ouvrir des formations nouvelles.
Dans le domaine que vous avez évoqué, je vais regarder s'il y a quelque chose d'anormal en Normandie.
La troisième question concerne les contractuels, la formation, ainsi que la direction d'école.
Sur la formation des contractuels, là aussi c'est un sujet plus général qui connaît des progrès en cette rentrée, puisque l'on a créé ce que l'on appelle le Schéma de formation continue, qui a d'ailleurs été conclu avec les organisations syndicales, et qui permet d'enrichir beaucoup plus l'offre de formation, aussi bien pour les titulaires que pour les contractuels.
Pour les contractuels, il est vrai que nous devons être plus attentifs à la quantité et à la qualité de formation continue qui leur est donnée et à notre capacité à les amener à la titularisation, car ce n'est jamais souhaitable que quelqu'un soit trop longtemps contractuel à l'Éducation nationale.
Il y aura toujours un volet de contractuels. C'est inévitable, mais il ne faut pas qu'il soit trop important et il faut surtout que l'on amène les personnes à la qualité et la certification.
Ce schéma de formation continue fait qu'il n'y a normalement aucun professeur qui, sur trois années, n'échappe à une formation continue correspondant à ses besoins d'évolution. C'est un point auquel j'attache vraiment beaucoup d'importance.
Par ailleurs, la nouvelle loi sur la Fonction publique doit nous permettre d'offrir des contrats plus robustes aux contractuels que les contrats actuels. On doit effectivement lutter contre le sujet de la précarité qui peut parfois exister.
S'agissant de la quatrième question, posée par Géraldine, il est vrai que nous avons vécu un drame il y a quelques jours avec ce suicide d'une directrice d'école. Comme toujours, lorsqu'il y a un événement de ce genre, je pense qu'il faut éviter les commentaires de tous ordres qui ne font pas la part aux côtés personnels et complexes d'un tel acte, mais il est également exact qu'il faut être très attentif au sujet des directeurs d'école.
Je le suis très fortement. C'est d'ailleurs le sens des discussions qui ont eu lieu à l'occasion du vote de la loi. C'est un sujet très complexe, car il n'y a pas de consensus sur cette question. Les différentes organisations syndicales ne disent pas la même chose sur ce sujet. Certaines sont pour le statu quo, c'est-à-dire un système où le directeur d'école n'a pas de véritable statut hiérarchique, alors que d'autres veulent que l'on fasse évoluer cela.
Nous avons une Député de la majorité qui travaille actuellement sur cette question. Je ne resterai pas immobile sur ce point.
Je suis allé rendre visite à l'équipe de l'école de cette directrice. On a justement fait le point un peu sur la manière dont les choses se passaient localement. On se rend compte que plusieurs facteurs agissent et notamment beaucoup de facteurs sociétaux, un certain consumérisme de certaines familles, une certaine agressivité qui existe dans notre société qui peuvent parfois être usants pour les directeurs d'école qui ont besoin de sentir davantage l'esprit d'équipe, de sentir beaucoup plus l'institution en appui derrière eux.
C'est ce que je m'efforce de développer actuellement, mais cela doit peut-être passer par des évolutions statutaires dans les temps avenir. Je suis ouvert à ce sujet, car je crois que c'est typiquement le sujet sur lequel on a besoin de créer des consensus, qui n'existent pas au moment où je parle.
Nous allons essayer, au cours des semaines qui viennent, d'avancer sur ce consensus pour faire progresser les choses.
François BAYROU. - Merci beaucoup.