Carnet d'Ukraine : un deuxième été en guerre
Nataliia Pylypenko, réfugiée ukrainienne, a trouvé l'asile à Paris avec ses deux petits enfants grâce à une très généreuse famille française. Depuis leur arrivée en France, le 15 mars 2022, Nataliia, professeur de langues étrangères, écrit tous les jours sur les évènements tragiques qui se déroulent dans son pays où son mari est resté.
L'été est sur le point de s'achever. L'Ukraine survit, malgré tout. Elle voit le monde comme dans un kaléidoscope fou. Les fraises poussent, malgré les bombardements de Kakhovka et l'inondation de la région de Kherson. Les cerises et les myrtilles mûrissent, même si les attaques de roquettes nocturnes continuent partout en Ukraine. Les enfants et les personnes âgées dorment par terre, entre les murs les plus solides de leur maison, pour se protéger des bombardements. Les légumes et les fruits continuent de pousser, mais les drones Kamikaze, les Kalibres et les bâtiments résidentiels endommagés rappellent que la guerre n'est pas finie.
(Mykolaïv le 20 juillet : 18 blessés dont 5 sont des enfants)
Les ports d'Odessa et le supermarché Fozzy ont été bombardés par la Russie. Les missiles russes ont bloqué les ports ukrainiens, empêchant les bateaux de transporter des céréales. Les stocks de blé et de maïs ont été détruits par les bombardements. Selon le ministère ukrainien de l'Agriculture, la Russie a détruit au moins 220 000 tonnes de céréales, ce qui équivaut à une allocation mensuelle de céréales pour 90 millions de personnes.
Les missiles russes "Onyx", X-22, Iskander-K et Iskander-M ont bombardé des monuments historiques et religieux le 23 juillet. Les bombardements ont fait des blessés et ont semé le désespoir. Selon les autorités ukrainiennes, 61 bâtiments, 146 appartements et 28 monuments ont été endommagés.
Une fille et un garçon, la fin d'examens et d'études, des vacances attendues mais volées par les orks. Ils ne planifient plus rien, ils vivent un jour à la fois. Les sirènes nocturnes résonnent. Des épaves jonchent les rues, dans les champs, sur les aires de jeux. Les vitres et les portes sont cassées, tout est noir de suie. Les larmes, la peur, l'espoir et les prières.
C'est à cela que ressemble l'enfance en Ukraine alors que la guerre continue. Chaque enfant a le droit à une vie heureuse, insouciante et en toute sécurité. Sans explosions ni sirènes. Sans peur ni douleur. Les enfants ukrainiens ont besoin d'un ciel paisible.
La vie continue. Une vieille femme pleure au bazar, car on doit amener le garçon du voisin, un héros tombé au front.
Chaque jour, des enterrements de jeunes hommes, de braves soldats et d'officiers qui ont péri au front. Des drapeaux sur les tombes, des femmes et des enfants orphelins.
Les hôpitaux sont pleins de blessés, les médecins sont sans sommeil. Les personnes handicapées retrouvent leur mobilité grâce au football, qui les rétablis et les réhabilite.
Des collectes de fonds sont créées pour des prothèses, des aides militaires et humanitaires.
Et les bombardements continuent, comme sur une école où était distribuée une aide humanitaire à Orékhov (région de Zaporozhizhia) qui a fait 7 morts et 11 blessés.
Des explosions sur le pont de Crimée, et des succès au front : pas à pas, les territoires occupés sont libérés. Au cours de l'offensive en direction du sud, les troupes ukrainiennes ont libéré plus de 192 km² de territoire.
La contre-offensive se poursuit sur au moins trois sections du front. Les opérations ukrainiennes visent à épuiser l'ennemi tout en préservant leurs propres forces.
Les attaques continuent dans de nombreuses villes ukrainiennes, à Dnipro, à Zaporizhizhia, Kharkiv, Kherson, Poltava Kyïv, Lviv, Tchernihiv, causant de nombreux dégâts et des pertes humaines. Une attaque à la roquette a visé un établissement d'enseignement à Soumy.
À Kryvyi Rig et Pokrovs'k, dans la région de Donetsk, les forces russes ont tué des civils.
5 morts et 75 blessés à Krivyi Rig
Pokrovs`k 9 morts et 81 blessés
Une bombe aérienne contrôlée a frappé le centre de transfusion sanguine de la communauté de Kupyansk, dans la région de Kharkiv. Les forces antiaériennes ukrainiennes sont en état d'alerte 24 heures sur 24. Les frappes de drones ukrainiennes visent à épuiser la Russie et à montrer aux Russes que la guerre est une réalité, pas une « opération spéciale ».
À Kyiv, un trident a été installé sur le bouclier du monument « Patrie-Maman ».
Le retour de 22 captifs, le bonheur pour les familles.
Après avoir bloqué les ports russes de la mer Noire, l'Ukraine a reçu un puissant levier pour l'ouverture complète de ses propres exportations. Après avoir attaqué des navires russes en mer Noire et déclaré les ports russes dangereux pour la navigation, l'Ukraine a utilisé les mêmes méthodes que la Russie pour bloquer les exportations russes.
Lviv a subi l'un des bombardements les plus intenses depuis le début de la guerre.
Mais la vie ordinaire continue. On répare sa barrière, on plante et on cultive des légumes, on se réunit avec toute la famille au village pour récolter les pommes de terre, et on aide à les transporter jusqu'à la cave.
L'école a été bombardée à Romny, mais aussi celle à Komyshuvas, tout cela avant la rentrée, et les enfants se sont retrouvés sans établissement, sans possibilité d'avoir des cours dans des conditions normales.
A la fin du mois d'aoput, l'Armée Ukrainienne a connu un succès : la libération de Robotino. Les forces armées ont hissé le drapeau ukrainien sur la rive gauche de la région de Kherson.
Les fêtes nationales du drapeau ukrainien et les 32 ans de l'Indépendance de l'Ukraine.
Notre Jour de l'Indépendance, le 24 août, est désormais tous les jours. Chaque jour gagné, défendu par les Forces Armées et repoussé par les Forces de Défense Aérienne, est soutenu par des millions de mains et de cœurs infatigables.
Ce n'est pas seulement une date du calendrier, mais c'est aussi dans chaque prisonnier de retour qui embrasse à nouveau ses proches, dans chaque mètre de terrain libéré, dans chaque larme silencieuse de soulagement, dans une nouvelle maison construite sur la cour détruite par une fusée, dans une nouvelle récolte sur un champ déminé… Chez les enfants qui étudient, rêvent et sourient. Mais aussi dans notre mémoire des morts et dans l'amour qui ne mourra jamais.
C'est le jour des rescapés et de ceux qui sauvent : sous les décombres, dans les hôpitaux, ou simplement sur le chemin de la vie. Chaque jour que nous vivons consciemment et avec audace est le Jour de l'Indépendance. C'est aussi une fête pour tous ceux qui sont solidaires de l'Ukraine et qui partagent notre combat, les mêmes valeurs de liberté et d'humanité.
Il y a quelques années, une douceur estivale régnait, faite de jus d'abricot. Mais aujourd'hui, elle est teintée d'amertume en raison des pertes lourdes quotidiennes. Hier encore, nos jeunes hommes défendaient leurs thèses, gravissaient le sommet de Hoverla (la plus haute montagne d'Ukraine) et escaladaient le volcan Teide sur l'île de Tenerife. Ils se tenaient aux côtés des mères en maternité avec des couronnes de roses, aidaient les enfants à résoudre des équations, construisaient des maisons et plantaient du thuya, de l'épine-vinette et du jasmin sur le terrain. Aujourd'hui, ils sont dans les tranchées, dans les chars, en pleine guerre.
J'ai trouvé un journal d'un soldat tombé au combat. Il a consigné ses émotions du premier au dernier jour. Chaque phrase brûle jusqu'au plus profond de l'âme, en particulier celle-ci : "Le plus effrayant, ce ne sont pas les tirs de mitrailleuses 24 heures sur 24, mais lorsque vous entrez dans un village libéré et qu'une grand-mère vous tend une tarte." Ou encore : "L'ennemi a trois casiers judiciaires pour deux personnes, tandis que nos gars ont trois diplômes universitaires pour deux soldats..."
Deuxième été en état de guerre. La canicule. L'assomption...Nous vivons, nous croyons, nous prions...