Le discours de Patrick Mignola lors du Débat relatif à la PFUE
Le mercredi 15 décembre, Patrick Mignola, président du Groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés à l'Assemblée nationale, a tenu un discours lors du Débat relatif à la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Retrouvez-le juste ici.
Monsieur le Président,
monsieur le 1er Ministre,
madame et messieurs les ministres,
monsieur le Président de la commission des affaires étrangères,
madame la Vice-présidente de la commission des affaires européennes,
avec une pensée pour la Présidente, qui est souffrante,
chers collègues,
Les députés Démocrates vont après l’orateur qui vient de passer, s’efforcer de parler d’Europe et pas d’utiliser ce débat comme prétexte pour des débats uniquement domestiques.
Nous sommes sollicités à repenser l’Europe. Les mots qu’Edgar Morin prononça en 1990 sonnent comme une invite : le mandat de la France consiste à dessiner les six prochains mois ; son devoir l’appelle à raviver une espérance.
Regardons les défis auxquels nous sommes confrontés.
Une crise sanitaire qui frappe et bouleverse le monde, des systèmes de santé mis sous tension, des économies sous pression et parfois sous assistance d’argent public, des sociétés entières placées sous contraintes.
Un dérèglement climatique qui menace jusqu’à l’existence même de pans entiers de l’Humanité.
La guerre à nos portes, des bruits de botte à l’Est aux bruits de bombes de l’autre côté de la Méditerranée.
Le danger du fanatisme qui dévoie une des religions du Livre, fomente des attaques contre la laïcité et justifie des menées terroristes.
Des femmes, des hommes, des enfants qui fuient ces périls mais s’échouent sur les plages qui furent pourtant le berceau, aujourd’hui le naufrage a dit le Pape François, de notre civilisation.
Et un monde numérique dont les acteurs transnationaux ignorent les règles de nos sociétés, jusqu’à l’intimité des individus et l’intégrité des enfants.
Et chaque jour des menaces lancinantes sur les droits et les libertés des femmes, des homosexuels, de la presse, de la justice.
Cette présidence française de l’Union européenne comporte un arsenal de mesures pour protéger et pour faire face, mais elle doit, dans cette acmé de l’histoire d’un jeune siècle, renouer avec son inspiration originelle.
Lorsque des peuples historiquement rivaux fondèrent une communauté, non pour en gommer les différences en une norme uniforme, mais pour donner à leurs histoires, à leurs cultures et à leurs enfants, une destinée commune, ils le firent autour des valeurs partagées de Démocratie, d’Etat de Droit, de dignité des personnes et d’une passion commune et itérative pour l’Egalité et la Justice.
Cet engagement initial est toujours d’actualité et doit rester notre boussole.
Ainsi s’ouvre la feuille de route de la France pour l’Europe : renouveler nos vœux d’appartenance à l’Union et à ses valeurs démocratiques ; lui donner les objectifs et les moyens de sa croissance et de sa puissance.
Le prochain semestre doit être celui de nouvelles impulsions économiques, car notre continent doit rompre avec le chômage de masse.
La réindustrialisation, les nouveaux métiers de l’énergie, du numérique, de la santé, représentent des espoirs concrets pour que nous redevenions créateurs et producteurs.
Nous répondrons ainsi à l’inquiétude des citoyens européens au sujet des emplois d’aujourd’hui et de demain, mais aussi à la question du financement de notre modèle social et de nos services publics.
En France, où l’on s’interroge régulièrement sur le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale, il n’est pas interdit de faire croître la richesse, plutôt que de lancer un concours d’idées démagogiques sur le démantèlement des droits sociaux et la suppression de fonctionnaires.
Nous sommes tous fiers de ce pays où l’école, l’université, la formation, l’hôpital, la santé en général sont gratuits.
C’est l’investissement pour la croissance qui nous donnera le droit de ne pas choisir entre le bien commun – le seul bien de ceux qui n’ont rien ! - et l’équilibre budgétaire.
Le travail et le mérite, plutôt que le sang et les larmes, voilà ce à quoi l’Europe nous aidera !
Cette prospérité durable, mieux dotée en emplois, répondra à une autre inquiétude des Français, celle de la dette Covid accumulée. Concrètement, à un point et demi de croissance, comme depuis 30 ans, nous léguerons à nos enfants, un fardeau. A deux et demi ou trois, nous relèverons le défi de ne pas alourdir les impôts.
Enfin, l’agenda français portera sur les minimas salariaux en Europe. Il y a quelque chose de notre identité dans cette conviction que nous avons besoin du marché, mais que l’Union européenne n’est pas qu’un marché et que l’économie est au service des hommes.
A cette condition une Europe de la croissance à visage humain pourra aussi devenir une Europe à la puissance démultipliée.
Imagine-t-on que nous relèverons seuls le défi climatique ?
C’est par nos moyens communs d’investissement que nous changerons de paradigme écologique, mais ce sont nos efforts diplomatiques communs qui devront convaincre les pays les plus émetteurs de CO2.
Et nous serons aux côtés des continents les plus pauvres, pour accompagner leurs contraintes en limitant leur empreinte.
Cette puissance pour organiser la transition écologique passera par les attributs de la puissance, qu’il conviendra d’utiliser sans hésiter : la taxe carbone aux frontières protégera nos entreprises et nos agriculteurs autant qu’elle exigera de la part de nos partenaires.
Cette force devra s’exercer aussi pour défendre les pêcheurs de toutes nos façades maritimes et elle devra ramener les flux commerciaux, des accords bilatéraux aux nouvelles routes de la soie, à de justes principes.
Et elle ramènera les flux commerciaux internationaux à de plus justes proportions – penser les accords internationaux non plus seulement sur le critère du prix, quitte à faire faire le tour de la terre à une vache, mais sur une éthique écologique permettra de remettre le monde à l’endroit.
Cette puissance collective pour relever le défi du climat devra aussi s’exercer sans trembler face aux révolutions numériques. Est-ce qu’une avancée technologique autorise à ne pas payer ses impôts, à enfreindre la loi et à violer la vie privée ? Or, c’est ce que font les GAFA tous les jours !
Leur responsabilité doit être engagée sur les appels à la violence, la manipulation de l’information et l’exploitation des données personnelles.
Et notre responsabilité est de protéger de leur prédation la valeur des biens culturels, dont la presse fait expressément partie.
Et ils doivent payer des impôts, comme toutes les grandes entreprises, avec une fiscalité plancher pour tous !
Quel serait ce monde où, selon que vous êtes puissant ou misérable, à petit, grande fiscalité, et à grand, petits impôts !
Si Internet et la mondialisation nous ont fait, parait-il, entrer dans la modernité, // les réseaux, les plateformes et les multinationales doivent renoncer à leurs conduites médiévales…
Enfin, l’exercice du pouvoir européen doit nous permettre de sortir de l’indignité dans laquelle nous pataugeons face au défi migratoire.
Je dis ici que chaque homme qui meurt en mer est une tache indélébile sur le visage de notre civilisation. A quoi nous sert d’avoir enfanté Goethe, Pascal et Léonard de Vinci si nous ne savons pas gérer des canots qui dérivent en Méditerranée, ou qui coulent dans la Manche, par défaut de politique migratoire commune, par défaut d’une commune politique de l’asile, par défaut de législation sur l’immigration légale, par défaut de courage….
Nous avons l’impérieux devoir de définir des politiques face à la migration, qui sera l’enjeu du siècle, qu’elle soit économique, sécuritaire ou climatique.
Marielle de Sarnez avait formulé nos propositions en la matière.
Des législations coordonnées, une solidarité dans la gestion des flux, et une politique ambitieuse de développement des Sud, à l’instar de celle dont la France s’est dotée. Tels sont les enjeux !
L’Europe doit être à la hauteur de ses valeurs, de son histoire et reprendre le contrôle.
Envoyer un message au monde en disant que nous sommes le premier continent à ne plus détourner le regard et à nous doter d’une politique publique commune, digne et déterminée.
Car l’Europe n’est pas qu’un moyen, elle est un destin.
Moyen pour croître et pour agir face aux défis que nous ne relèverons qu’ensemble.
Mais elle ne peut être seulement cela, sans quoi elle continuera de ressembler à sa caricature – une machine à normes et à technocrature absconse.
L’Europe incarne la Démocratie, cette organisation sociale qui porte à son maximum la conscience et la responsabilité du citoyen : c’est regarder bien au-delà de l’utilitaire et du matérialisme.
Elle impulse des politiques communes, qui permettent à tous ses membres d’accéder à une ambition qu’ils ne pourraient concevoir isolément, dans un cadre de valeurs partagées, celui de l’Etat de Droit.
Elle peut, elle doit donc exiger des Etats, contrairement aux absurdités électoralistes entendues ici et là, qu’ils respectent ce cadre institutionnel, en premier lieu, tout simplement, parce qu’il protège les citoyens dont ils ont la charge.
L’Europe promeut des valeurs : c’est croire en l’Homme et à l’universalité de ce message original parmi tout autre, qu’une communauté institutionnelle a porté dans ses textes le stade le plus avancé des droits naturels – certaines initiatives de la Commissaire à l’Egalité, cédant aux obsessions victimaires et racialistes - ou aux délires de la rédaction inclusive ! – ferait bien de méditer cette philosophie directrice.
L’Europe, née de son affaiblissement par les nationalismes et par les guerres, alors qu’elle dominait le monde, s’est reconstruit un destin indépendant, pour garantir la liberté de ses peuples.
Aujourd’hui, les citoyens attendent qu’elle retrouve cette inspiration pour qu’une souveraineté renouvelée nous garantisse individuellement et collectivement, un destin libre face aux périls du monde.
Tel le phénix et ses cendres, nous devons nous mobiliser pour que l’Europe, retrouvant croissance et puissance, engage sa Renaissance.
Soyons les héritiers dignes de ce qui nous a été légué.
Le projet européen, de Valéry Giscard d’Estaing à Emmanuel Macron, est un des derniers rêves qui peut nous unir, nous grandir et nous sublimer.
A nous de le faire partager. Et de le réaliser.
Je vous remercie.