Philippe Michel-Kleisbauer : "La France et les États-Unis condamnent l'annexion par la force d’autres territoires par tout État puissance et ne respectent que le principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes."
Le député du Var et membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, Philippe Michel-Kleisbauer, est membre du Conseil interparlementaire OTAN-Ukraine. Il revient pour nous sur la situation préoccupante au Donbass, territoire situé à l'est de l'Ukraine. Interview.
En tant que député et membre du Conseil interparlementaire OTAN-Ukraine, pouvez-vous nous expliquer la situation au Donbass ?
Depuis 2014, le Donbass est sous le coup d’une annexion de la Crimée par la Russie et d’une lutte fratricide dans le Donbass. Il s’agit d’Ukrainiens séparatistes qui, appuyés par des Russes, sous couvert de sociétés militaires privées, voudraient que leur région fasse sécession afin d’entrer dans le giron de la Russie de Poutine. Cette guerre dite de faible intensité, mais qui n’en reste pas moins une guerre, a provoqué plus de 14 000 morts et le déplacement d'au moins 1 200 000 personnes. Alors que nous étions arrivés en fin d’année 2020 sur un cessez-le-feu, les bombardements et les tensions ont repris en intensité depuis le début de l’année, malgré l’ouverture de nouveaux points de passage à la frontière et l’échange de prisonniers des deux côtés. Dans ce contexte de ré-escalade, la Russie d’un côté et l’Europe et les États-Unis de l’autre se retrouvent mobilisés sur cette zone de conflit aux portes de l’Europe.
L’élection du président américain Joe Biden est-elle à l’origine du déclenchement des hostilités de la part de la Russie ?
Nous ne savons pas pourquoi le Président Poutine a décidé d’augmenter le nombre de ses soldats présents sur cette frontière après l'élection du Président Joe Biden. Est-ce à cause d’une demande récurrente des Ukrainiens d’intégrer l’OTAN et l’Union européenne, que Poutine aurait craint qu’avec l’arrivée de Joe Biden, l’option otanienne pourrait être activée ? C’est une possibilité. Mais elle ne peut expliquer ce regain de tension alors que la Russie est partie prenante aux négociations dites de Format Normandie, visant à faire aboutir le processus de paix dit de Minsk.
Cela rappelle-t-il les événements de septembre 2014 avec l’invasion de la Crimée par l’armée russe ? Les craintes sont-elles aussi grandes ?
Non, car en 2014, l’OTAN et les États-Unis ont stoppé net les velléités russes et dans un même temps, la France et l’Allemagne ont enclenché ce processus de paix en marge des commémorations du débarquement de Normandie, d’où son nom. Ce format mettait autour de la table les présidents ukrainien, russe et français et la chancelière allemande.
Quels sont les enjeux pour l’Union européenne dans ce conflit et pour la coopération avec les États-Unis ?
L’Union européenne et les États-Unis sont absolument sur la même ligne quant au respect des règles de droit international qui fondent leur engagement commun partout dans le monde pour imposer le format des démocraties libérales. La France et les États-Unis condamnent l'annexion par la force d’autres territoires par tout État puissance et ne respectent que le principe de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Pensez-vous qu’il existe une échappatoire face à cette situation particulièrement délicate ? Quels sont les scénarios de sortie de crise envisagés ?
Le scénario le plus avantageux pour tout le monde est l’aboutissement des accords de Minsk avec un pack de 300 mesures rédigées par l’OSCE à la charge de la République d’Ukraine et d’obligations à la charge de la Russie. En entretenant ces conflits, la Russie s’est mise dans une position délicate. Alimenter cette guerre ou faire la guerre en Ukraine exposerait l’hôte du Kremlin à, d’une part, une incompréhension pour ne pas dire une non acceptation par son peuple qu’il fasse la guerre à ses « cousins » ukrainiens et, d’autre part, un front européen et américain qui n’accepterait pas cet état de fait. Aussi, les Russes ont intérêt à ce que la France et l’Allemagne, en amiables compositeurs dans ce conflit, fassent triompher ces accords porteurs d’espoir et de paix.